On en parle peu dans le milieu de la communication.
Un monde qui a l'image d’une santé éclatante ; tous beaux, tous jeunes, jamais malade, et pourtant… La communication thérapeutique est vitale.
C’est celle qui soigne par les mots, par les gestes, par la présence, par les silences, sinon les corps, à coup sûr les âmes.
Ayant moi-même traversé récemment un épisode de santé imprévu, euphémisme emprunté à la météo pour parler d’une tumeur détectée à temps, j’ai été témoin de tous ces gestes qui font d’une épreuve une expérience de communication unique.
J’ai vu chacune des actrices et des acteurs du parcours de soin en dépassement de fonction permanent, pour remettre un lacet, tenir une main, porter un geste d’empathie, dire un mot d’encouragement, prendre des nouvelles, porter un regard bienveillant, être disponible, répondre à un appel, partager une passion pour la musique, évoquer la famille…
Pour moi comme pour d’autres, la communication thérapeutique a agi comme un pansement qui a amplifié l’efficacité de ma prise en charge.
Pourtant, sur les 1,3 millions de soignants que compte la France, combien ont reçu une formation à cette communication-là ? Beaucoup de choses existent pour les patients bien sûr*,toujours pour les patients, mais pour les soignants rien ou si peu de choses. Comme si le soin n’était qu’un acte technique qui pourrait se passer d’une éthique de l’accompagnement médical.
Le même type de questionnement avait conduit à la création de l’institut Danone pour la santé il y a trente ans. Avec son agence BDDP, le groupe avait repéré que sur les dix années du cursus médical, seules deux heures étaient consacrées à la nutrition ! Sous la houlette du Pr. Guigerand, l’Institut avait alors fait bouger les lignes en diffusant des milliers de kits de sensibilisation aux généralistes et dans les écoles. Nous avons besoin du même genre de mouvement pour promouvoir la communication thérapeutique.
Notre pays est riche de ses soignants qui s’engagent jour et nuit pour les autres et qu’on oublie souvent de remercier. Il y a cinq ans, le Covid a provoqué un sursaut immédiat : nous étions à leurs côtés coûte que coûte, mais depuis ?
Le système de santé a besoin de soignants qui travaillent dans de bonnes conditions, qui puissent prendre le temps d’instaurer une relation de confiance et de soutien avec les patients, et réciproquement.
La communication thérapeutique fait partie des réponses les plus urgentes, et en même temps les plus négligées, pour réussir à construire une véritable société du care. Acteur et témoin des investissement importants consacrés par les entreprises dans des Customer Journey et des Brand Experience Program, pour améliorer, peaufiner les attitudes et comportements du dernier mètre à l’égard des clients, je rêve de jeter un pont entre deux mondes qui se connaissent mal afin qu’une symbiose opère au plus grand bénéfice de tous.
L’enjeu est de sensibiliser, rendre visible, diffuser les bonnes pratiques : apprendre à saluer, à encourager, à voir les mots pour le dire, à éviter les pièges, à garder la bonne distance, à se faire ajuster par un tiers pour progresser. La tâche est immense et concerne toute la chaîne de soin de l’assistante médicale au brancardier, de l’infirmière, au professeur agrégé sans oublier le pharmacien.
Des entreprises et des marques pourraient dans le cadre de leur engagement sociétal aider à développer partout en France des programmes de formation dédiés. Il est urgent de faire de la communication thérapeutique une de ces grandes causes que les agences de communication accompagnent avec tant de générosité, en même temps qu’une priorité en santé publique.
Le défi est de taille tant il est avéré que les gestes d’attention et d’empathie ont de vertus dans les traitements. En silence, la communication thérapeutique sauve la vie tous les jours.
Denis Gancel
Enseignant à Sc Po Paris
Fondateur de W Conran - Président de Conran Design Group (Havas)
*Des Unités Transversales d’Education Thérapeutique (UTEP)